COMET

Convection, systèmes énergétiques

V. Bourdin, P. Le Quéré, M. Pons, A. Sergent

Nous étudions des systèmes physiques en présence de transferts de chaleur ou de masse par le biais d’approches énergétiques globales ou de modélisations locales. Nous abordons des problématiques liées aux transferts convectifs, radiatifs ou par changement de phase, en cherchant à décrire leurs dynamiques spatio-temporelles (par ex., instabilité, renversements grandes échelles, panaches), leurs propriétés de mélange (en présence de chaos, turbulence, ventilation naturelle) ou d’efficacité du transfert ou du stockage (PCM, coulis d’hydrates), ou encore à les manipuler (par ex. rugosités) voire à les optimiser (par ex. boucle de réfrigération, modules PV – miroirs). Dans cet objectif, nous utilisons des modélisations numériques locales (DNS ou LES) ou (semi-) analytiques. La comparaison avec des données expérimentales est largement utilisée dans la validation des modèles physiques et les choix de modélisation numérique et analytique. Les applications cibles concernent l’efficacité énergétique (notamment dans le cadre de la production d’énergie nucléaire ou photovoltaïque) ou le froid industriel.

  • effet de rugosités en convection Rayleigh-Bénard, manipulation des flux de chaleur ;
  • effet du rayonnement sur le développement de la turbulence ;
  • entraînement et dilution dans les panaches turbulents, effet de la stratification ;

► Transition vers le chaos dans les écoulements de convection différentiellement chauffée


Ce thème vise la détermination numérique des bifurcations successives conduisant à un régime chaotique. Les écoulements d’air considérés vérifient l’hypothèse de Boussinesq et sont forcés par une différence finie de température entre deux parois parallèles à la gravité.
Pour un écoulement bi-périodique entre plaques, le développement d’instabilités transverses est limité par les longueurs de périodicité. En géométrie fortement confinée horizontalement, les bifurcations successives conduisant au chaos ont été décrites ainsi que l’écoulement associé. Des DNS spectrales 3D ont mis en évidence l’apparition de structures composées de rouleaux principaux transverses connectés par des rouleaux secondaires contrarotatifs obliques. A plus hauts nombres de Rayleigh, un écoulement chaotique
apparaît à travers la compétition de deux mécanismes : une cascade de doublement de période conduisant à
de l’intermittence et un mécanisme de modulation spatiale des rouleaux (voir figure 1). Le développement d’instabilités transverses est étudié à partir d’études linéaires (Arnoldi) permettant de calculer les longueurs d’ondes les plus instables afin de fixer un domaine de calcul adapté à la description du scénario d’apparition du régime chaotique dans des géométries faiblement confinées (thèse de Z. Gao 2010-2013, financement EDEcole Doctorale SMAER UPMC, collab. S. Xin au CETHIL et L. Tuckerman au PMMH).

► Convection turbulente : convection de Rayleigh-Bénard et interactions convection – rayonnement

La convection turbulente de Rayleigh-Bénard est caractérisée par de fortes interactions entre petites et grandes échelles, ces dernières formant une circulation à grande échelle (LSC), objet de renversements intermittents. A partir de DNS réalisées sur des temps physiques très longs, nous avons étudié la dynamique des renversements en cavité carrée suivant deux approches complémentaires (voir figures 2 &3) : (i) caractérisation de la dynamique des structures les plus énergétiques par analyse POD conduisant au développement de modèles réduits basés sur les 3 ou 5 premiers modes POD (collab. B. Podvin), (ii) identification d’un cycle caractéristique des renversements standards par analyse statistique après séparation des régimes de renversements standards et de cessation (thèse A. Castillo Castellanos 2013-2017, financement EDEcole Doctorale SMAER UPMC, collab. M. Rossi IJLRA). La démarche est reprise pour analyser avec le code SUNFLUIDH comment le forçage des petites échelles par les rugosités modifie la dynamique spatiotemporelle de la LSC (thèse M. Belkadi, financement EMP Alger 2016-2019, EDEcole Doctorale SMAER UPMC, collab. B. Podvin, Y. Fraigneau). Une comparaison avec des résultats expérimentaux va être menée dans le cadre d’un PEPS CNRS Energie 2018 (collab. F. Chilla et J. Salort Lab. Phys. ENS Lyon).

L’emploi d’une modélisation du rayonnement d’un milieu semi-transparent par la méthode des ordonnées discrètes associée à un modèle de gaz réel compact a permis de développer un code volumes-finis massivement parallèle (code ROCOCO, dépôt APP 2017) pour le couplage convection rayonnement, donnant ainsi accès à des écoulements à haut niveau de turbulence (thèse L. Cadet 2013-2015, financement EDEcole Doctorale SI-MMEA U La Rochelle, collab. P. Joubert Lasie et D. Lemonnier et D. Saury PPRIME). Après validation sur des cas tests de la littérature, l’influence des émissivités pariétales sur la convection turbulente en cavité différentiellement chauffée a été mise en évidence dans le cas d’un couplage convection / rayonnement pariétal. Puis des résultats de simulations numériques directes pour un gaz semi-transparent ont été comparés à des données expérimentales. Le module de rayonnement a été introduit dans SUNFLUIDH. Ce travail se poursuit avec la thèse de Yi. Wang (financement EDEcole Doctorale SI-MMEA U La Rochelle, 2016-2019, collab. P. Joubert Lasie, D. Lemonnier et D. Saury PPRIME) pour des cas d’injection de gaz à effet de serre (panaches forcés) en milieu confiné.

► Convection en milieu semi-confiné : cheminées et panaches binaires en cavité ventilée

Le canal vertical est un modèle simplifié d’écoulement ouvert de convection naturelle comme les cavités ventilées ou cheminées. La modélisation numérique de cette classe d’écoulement peut s’effectuer soit en simulant le canal et son environnement extérieur (pour un coût prohibitif en 3D), soit en ne considérant que le canal seul. La principale difficulté réside dans la définition des interfaces cavité / environnement.

Plusieurs jeux de conditions limites existent dans la littérature. Un exercice de comparaison organisé par la communauté thermicienne SFT illustre la grande dispersion de résultats. Cependant, aucune solution de référence ne permet d’évaluer la qualité de l’approximation obtenue, alors que la comparaison entre résultats numériques et expérimentaux reste difficile. Nous avons établi des solutions numériques de référence pour une cheminée immergée dans un environnement infini isotherme au repos modélisé par une cavité de grande taille. Les champs solutions identifiés mettent en évidence la complexité des écoulements d’entrée / sortie aux interfaces. Un nouveau jeu de conditions limites a été proposé dans le cadre de l’approximation de Boussinesq, approchant de manière plus satisfaisante les solutions de référence (thèse C. Garnier 2011-2014, financement allocataire normalien, EDEcole Doctorale SMAER UPMC).

L’utilisation de l’hydrogène (par ex. piles à combustible) présente des risques importants liés au caractère inflammable du mélange air-hydrogène. Pour modéliser une situation d’accident typique, on se place dans le cas d’un mélange d’hélium-air faiblement turbulent injecté localement dans une cavité ventilée, pour lequel une zone homogène stable s’établit en haut de la cavité. Nous abordons ce problème via des simulations LES / DNS (voir figure 4). Par comparaison avec des résultats expérimentaux obtenus au CEA, nous avons établi la nécessité de modéliser une partie de l’environnement extérieur (thèses H.-L. Tran 2009-2013 et E. Saikali 2014-2017, financement CEA, collab. C. Tenaud (DATAFLOT), Y. Fraigneau (ASARD), G. Bernard-Michel CEA Saclay DEN/DM2S/STMF). Le travail se poursuit par l’établissement de nouvelles conditions limites d’interface dans une formulation de type Faible Mach (post-doc de A. Castillo-Castellanos, financement labex LASIPS 2017-18). À plus long terme, l’objectif de ce travail est de caractériser les propriétés de dispersion, de mélange et d’entraînement de ce type d’écoulement, par comparaison avec les résultats expérimentaux et les modèles théoriques utilisés par les industriels (thèse Ya. Wang, financement CEA, 2017-2020, collab. Y. Fraigneau (ASARD), G. Bernard-Michel CEA Saclay DEN).

Un défi actuel de l’industrie du froid consiste à réduire les émissions (dues aux fuites) de frigorigènes, dont le GWP (Global Warming Potential) s’avère bien trop fort. La réfrigération secondaire offre déjà une solution, en limitant le volume des machines (et donc de frigorigène) et en assurant la distribution du froid par une boucle d’un fluide neutre pour l’environnement. Comme les coulis de glace, les coulis de clathrates-hydrates (cristaux constitués de molécules d’eau agencées en cages autour de molécules hôtes) offrent l’avantage d’une enthalpie de fusion élevée. Le projet ANR CRISALHYD rassemblant IRSTEA, ENSTA, LIMSILaboratoire d'Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l'Ingénieur, créé en 1972 et dont les équipes ont rejoint celles du LRI en 2021 pour fonder le LISN., Solvay et Lennox a commencé fin 2014. Le LIMSILaboratoire d'Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l'Ingénieur, créé en 1972 et dont les équipes ont rejoint celles du LRI en 2021 pour fonder le LISN. s’intéresse principalement à l’efficacité énergétique des procédés de réfrigération secondaire, en particulier avec hydrates de gaz. Une approche originale, basée sur l’optimisation globale sous contraintes, intègre les différents couplages pour les coulis de glace (IG) et d’hydrates de CO2 (CO), de TBPB (TB) et mixte CO2+TBPB (MH). Parmi les caractéristiques du coulis, c’est la température de fusion qui dicte en dernier ressort l’efficacité énergétique globale du procédé (cf. Fig. 5). L’analyse exergétique globale du procédé donne effectivement à cette température une place centrale, entre la perte d’exergie dans l’échangeur utilisateur (cf. HXU dans Fig. 5) et le groupe froid dont le COP dépend de la température d’évaporation du frigorigène [Pons et al., SFT 2015 et 2016, ECOS 2015, IIR-PCM 2016, Energy 2018a].

La cinétique de changement de phase a aussi été introduite dans le modèle (projet LaSIPS CoolHyd ENSTA-LIMSILaboratoire d'Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l'Ingénieur, créé en 1972 et dont les équipes ont rejoint celles du LRI en 2021 pour fonder le LISN.). Les résultats montrent que, étonnamment, elle n’a qu’une influence très faible sur les performances globales du procédé (cf. Fig. 6) … à condition que les échangeurs de chaleur soient dimensionnés en conséquence. C’est en effet les températures effectives du coulis dans les échangeurs, modifiées par la cinétique (cf. Fig. 7), qui vont déterminer les flux, ou bien, encore une fois, la consommation électrique du groupe froid [Pons et al., Energy 2018, SFT 2017].

Un modèle dynamique d’une boucle secondaire de distribution de froid est en cours de construction dans le but de simuler les transitoires rapides imposés dans la boucle par les régulations individuelles des différents utilisateurs, et leurs conséquences sur l’état du réseau et le service rendu. Des stratégies de contrôle pourront être étudiées, peut-être optimisées. Ce travail à long terme est en cours.

Enfin, une tâche du projet Crisalhyd porte sur les conséquences industrielles de l’utilisation des hydrates de gaz. En effet, la fusion des cristaux libère du CO2 gazeux, sous pression, et qui doit être stocké. Le post-doctorant Ziad Youssef (avr 2017 – mars 2018) a d’abord étudié un cyclone de séparation coulis / gaz en sortie d’échangeur ‘utilisateur’, puis a construit un modèle pour calculer les volumes nécessaires pour stocker le CO2 libéré. Un procédé consistant à comprimer le gaz est ainsi proposé, réduisant les volumes et ouvrant la porte à une contribution possible à la production de froid globale du procédé. [Int. J. Refrigeration 2019].

► Association Photovoltaïque (PV) avec Miroirs plans – Évaluation des composants photovoltaïques en environnement extérieur – Intégration massive des ENR dans les réseaux – Expériences, simulations et analyses.


Basée sur une collaboration intensive avec le GeePs (CentraleSupélec), le LMD (IPSL-École Polytechnique) et le LPICM (CNRS-Total-École Polytechnique), cette thématique s’intéresse aux solutions industrialisables pour augmenter la production PV par l’association de miroirs aux modules et l’optimisation de leur gestion. Elle s’appuie sur des expériences et bénéficie de l’accès aux données de production de grandes centrales.

Ce sous-thème comporte trois grands axes :

  • caractérisations des composants (cellules, modules, réflecteurs, convertisseurs électriques…) en environnement réel – vieillissement et dégradation – diagnostic et pronostic des systèmes PV,
  • développement des solutions modules + miroirs pour augmenter la production par m2 de modules,
  • intégration des renouvelables dans les smart-grids (prévision de production, de consommation et d’incertitude de la demande nette, équilibrage réseau, stockage). Deux axes émergents le complètent : la recherche de systèmes hybrides performants PV-thermique et l’exploration de micro-convertisseurs éolien-électrique urbains.


L’expérience ALEPh, initiée en 2010 et construite en 2012, combine dans une géométrie optimisée des modules et des miroirs plans qui permettent un gain de production annuelle d’environ 20%. Réinstallée sur le site météorologique du SIRTA-Palaiseau en juillet 2013, elle continue à produire des données. Cette expérience a été le support de la thèse de Marko Pavlov soutenue le 25 octobre 2016, et de plusieurs stages de M2 et d’ingénieurs. Marko Pavlov continue le développement du concept au sein d’une startup. La thèse de Christine Abdel-Nour (en cours) porte sur le développement d’un démonstrateur type ALEPh de 12kW pour alimenter une microgrid du futur bâtiment SIRTA (horizon 2019-20). Nous exploitons une maquette «nano-grid» alimentée par une mini-éolienne Darrieus-Savonius et un module silicium cristalllin dans le cadre de la thèse de Fausto Calderon-Obaldia (ces deux thèses sont codirigées par A. Migan, J. Badosa et V. Bourdin). Nous collaborons ainsi au groupe «TREND-X » de l’École Polytechnique. Nous développons avec deux startups
des systèmes LCPV (Low Concentration Photovoltaic) différents pour des applications de puissances  supérieures à 300 kW.


Depuis 2016, les développements portent sur :

  • une meilleure maîtrise des échanges thermiques des modules en vue (a) de l’amélioration du refroidissement et par suite du rendement électrique (figure ci-contre), (b) de la cogénération électrique-thermique (S. Pellerin, B. Antigny, V. Bourdin) ;
  • l’utilisation de miroirs mobiles pour une meilleure utilisation des réflecteurs ;
  • la sélection de surfaces réflectives à bas coût ;
  • le développement d’algorithmes basés sur les statistiques pour équilibrer les réseaux en compensant par une réserve rapide et durable les écarts entre consommation nette prévue et consommation réelle ;
  • l’utilisation des batteries de véhicules en soutien bidirectionnel au réseau. La figure illustre les résultats (modèle 3D) obtenus pendant le stage de B. Antigny avec le code NAPEM développé par S. Pellerin : nous nous sommes concentrés sur l’aspect dynamique des écoulements engendrés par le vent autour de la structure ALEPh. On constate sur cette coupe de l’écoulement dans le plan médian vertical que celui-ci est fortement turbulent. L’analyse du champ moyen de vitesse nous a permis de mettre en évidence des recirculations sous l’ensemble module-miroir. Nous initions cette année la simulation du système complet incluant l’équation de l’énergie.